Escrime, guerre et armement
L'armement en Alsace vers 1280

L'armement défensif

L'armement défensif à la fin du XIIIe siècle en Empire. L'équipement défensif au XIIIe est un sujet polémiques, puisque bien des historiens attribuent l'apparition des plaques d'armures à cette époque. En effet, les premières représentations de protections faites de plaque de métal garantissant les tibias, le genou, les épaules ou le ventre se retrouvent dans les enluminures ou les sculptures entre 1250 et 1300. Toutefois, l'étude de nombreuses sources montre bien que ces protections en plaques de fer se généralisent surtout vers 1315 ou 1320. Il faut donc considérer ces protections comme rares voire exceptionnelles.

Le soldat moyen ou le milicien
Soldat en gambison

L'armement défensif se compose d'une protection de corps et d'une protection de tête. La protection de corps est soit en tissu rembourré de filasse de chanvre ou de bourre de coton, qu'on appelle gambeson ou cotte gamboisée, ou en cuir. Le gambeson descend jusqu'aux genoux et peut se contenter de manches courtes ou disposer de manches longues (voir image ci-contre). Les protections en cuir se concentre essentiellement sur le torse. Certains soldats ou miliciens, sans doute un sur trois, portent le haubert (cotte de maille avec manches) ou le haubergeon (à manches courtes).

On retrouve couramment porté l'ancien casque à nasal, ou plus souvent encore, la cervelière, un casque souvent dépourvu de ferrure et de nasal, qui ne protège que le haut de la tête, et qui donnera plus tard le bassinet.
Certains combattants portent également le chapel de fer, mais ce modèle est assez rare dans les sources.

Le seigneur ou le chevalier

Les combattants riches portent le même gambeson que les pauvres, mais ils enfilent par-dessus le haubert complet, avec camail (cagoule de mailles) intégré au haubert, des moufles de mailles rattachées au haubert, descendant jusqu'aux genoux, et complété par des chausses de mailles intégrales.
Un haubert à la fin du XIIIe siècle est composé de 35 à 50 000 mailles de 6 à 8 mm de diamètre intérieur en moyenne, et pèse une douzaine ou une quinzaine de kilos. Les mailles rivetées arrêtent, grosso modo, les coups d'estoc des épées, les flèches d'arcs, mais pas les carreaux d'arbalète.

La protection de tête du chevalier est le heaume intégral qui enveloppe la tête ; ce modèle est de loin le plus répandu et le plus protecteur, même s'il offre une faible visibilité. Vers 1290, certains combattants aisés adopteront le futur bassinet à bretêche, sorte de cervelière avec un grand nasal amovible, un modèle de casque inventé en Suisse vers 1290 et qui ne se généralisera en France que 50 ans plus tard.
Pour parer les coups, le chevalier porte le grand écu, bouclier de bois couvert de cuir, en forme de fer à repasser, qui n'excède pas 3 à 4 kilos.

Les armes offensives à la fin du XIIIe siècle

Là aussi, certaines armes attribuées à tort au XIIIe siècle, ne s'avèreront en usage qu'au cours de la seconde moitié du siècle suivant.

Le soldat ou le milicien

L'arme première du soldat et même du milicien est l'épée, à ceci près qu'il ne s'agira pas d'une arme d'aussi bonne qualité que celle, plus chère, des chevaliers. Le fauchon, sorte d'épée à un tranchant s'élargissant vers la pointe, est un modèle marginal, mais qui apparaît à cette époque.
Bien sûr, les dagues et autres couteaux sont en usage pour la piétaille.
En armes secondaires, les combattants à pieds manient les haches à une main (rares), les masses ou becs de corbins (encore plus rares), ou encore le goedendac, sorte de manche de bois renforcé d'une pointe métallique à l'extrémité, d'origine flamande.

Formation de hastiers Manipulation d'armes ; formation d'armes d'hast peu probable au XIIIe siècle mais présentée au public pour information.
Certains soldats ou miliciens, moins nombreux, peuvent manier les armes d'hast, c'est-à-dire à long manche, qui sont en fait plutôt réservées aux rares paysans participant aux actions guerrières. Seules les guisarmes, vouges et lances sont authentifiées en 1280. Les autres armes d'hast, faux de combat, sacquebute, sont supposées exister mais aucune preuve de leur existence en 1280 n'a pu être apportée.


Le chevalier

Codex Manesse

L'arme par excellence du cavalier est la lance, appelée glaive (gleven en allemand). Elle mesure en moyenne 250 cm et est dotée d'un fer aiguisé et pointu. Son manche est en bois de pommier ou de frêne essentiellement. Mais lors des chocs entre cavaliers, elles casse bien souvent.
La seconde arme du chevalier, mais la plus symbolique, est l'épée (branc), dont la lame à cannelure large est longue et à double tranchants, dépourvue de pointe agressive, ce qui en fait sutout une arme de tranche, et non d'estoc. Elle est en en moyenne longue de 105 cm et lourde de 1,6 kg. Cette arme, souvent en acier sandwich (couches de métal damassées recouvertes d'acier dur) est relativement souple et solide, mais coûteuse dans une telle qualité.
À la fin du XIIIe siècle, une nouvelle forme d'épée apparaît : l'épée dite à une main et demie, ou épée bâtarde, qui se manie des deux mains, mais cette arme est encore très marginale à cette époque (sans doute une sur cinquante ou cent), même si les contrées germaniques semblent la connaître plus tôt que le reste de l'Europe.

En armes secondaires, le chevalier utilise aussi la hache, la masse ou même le fléau d'armes (encore rare).

Les armes de jet
  • La fronde : trop souvent méconnue, une telle arme permet, selon des tests effectués à titre expérimental, de tirer à la distance incroyable de 258 mètres maximum ! Certes, le galet d'une fronde ne blessera que très légèrement un chevalier armuré, mais il pourra faire des dégâts aux fantassins ;
  • l'arc : le plus répandu en terres d'Alsace est l'arc à double courbure, ou arc turquois. Toutefois ce n'est pas une arme très répandu sur les champs de bataille, l'arc sert beaucoup plus à la chasse ou pour l'entraînement physique des chevaliers ;
  • l'arbalète : elle règne sur les armes de jet avec une puissance inégalée permettant souvent de transpercer la plupart des armures, qu'elles soient de mailles ou de plaques. Mais le principal avantage de sa puissance est de pouvoir réaliser des tir de but en blanc à 100 m. L'arbalète permet de bloquer la corde sur la noix et donc de viser et déclancher au moment souhaité. Cela permet d'obtenir bonne précision au tir et surtout de pouvoir plus facilement saisir des opportunités dans le contexte d'un siège quand il s'agit de toucher des défenseurs à travers une meurtrière ou des assaillants protégés par un mantelet.

    arbalétrier
  • Texte d'Olivier Binder et Olivier Dupuis, mis à jour le 22/08/2003