Galeries 15e siècle
Portraits de miliciens

Au sein de la milice, chacun d’entre nous tente de se forger un personnage plausible dans le paysage strasbourgeois du XVème siècle. Certaines professions sont des clins d’œil à celles que nous pratiquons tous les jours au XXIème siècle, d’autres reflètent plutôt des aspects spécifiques représentés en reconstitution. Les descriptions sont également tirées du quotidien ou d'évènements survenus pendant des reconstitutions.

Les Rottenmeister


Photographie:
© Pixures - Jacques Maréchal
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Walraversijde 2006

Ewald Jaeger
(Lionel Charluteau)
Profession : changeur du trésor de Strasbourg
Zunft : zum Spiegel (tribu du miroir)

Le change de monnaie étant un privilège de la ville, Ewald Jeager est un fonctionnaire de la monnaie (Münzen). Il œuvre cependant peu souvent dans ce bâtiment officiel, le change se faisant surtout à la Douane avec les marchands qui débarquent leurs marchandises de toute l’Europe et, dans une moindre mesure, sur les marchés de la ville. Ce membre mineur du Miroir s’est ruiné dans l’achat d’une armure pour tenter de ressembler, en vain, à ses puissants coreligionnaires qui eux servent souvent à cheval. Il est actuellement le seul Rottmeister du Scharwaht.


Photographie:
© Pixures - Jacques Maréchal
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Hinterweidental 2003

Arnold Becker
(Arnaud Bakis)
(à gauche sur la photo, en compagnie de Wolfram) Profession : clerc du trésor de la République
Zunft : zum Spiegel (tribu du miroir)

Arnold Becker était clerc à la monnaie de Strasbourg (Münzen) et travaillait donc dans le bâtiment attenant à la Pfalz. Ces deux édifices n’existent plus aujourd’hui. Ils se tenaient sur l’actuelle place Gutenberg. Cet habile comptable ne se séparait jamais de sa table de compte et était l’un des rares fonctionnaires de la cité à avoir accès au trésor de la ville, dans la tour aux deniers (Pfennigsturm). Ce membre de la tribu du Miroir n’y avait qu’une très faible influence car c’est essentiellement les riches marchands qui y dictent leur loi. Il s’investi beaucoup dans la milice et le Scharwaht en particulier où il devint très vite Rottmeister. C’est lui qui commandait avec brio la 2nde Rotte lors de la bataille de Gavere en 1453 (reconstituée à l’été 2003). Son frère, Ouriel, a été lui aussi un membre très actif du Scharwaht. Arnaud nous a quitté tragiquement en décembre 2003, nous laissant un grand vide.

Les Fussknechten


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Walraversijde 2006

Karoline Bauer, dite « Wolfram »
(Caroline Bauer)
Profession : copiste
Zunft : zu der Steltzen (tribu de l’échasse)

Si Wolfram est inscrite comme scribe (Schryber) à l’échasse, elle maîtrise comme ses contemporains de nombreux aspects artistiques autour de l’écriture. Tour à tour copiste, enlumineur, préparatrice de couleurs au gré de la demande des ateliers spécialisés ou des peintres de la ville. Elle est aussi écrivain public à son compte, les 4/5ème de la population strasbourgeoise ne sachant qu’écrire leur nom. En tant que femme, elle ne peut participer pleinement à la vie de sa Zunft, l’accès au poêle leur étant interdite. L’échasse est la tribu la plus chaotique de la ville, en proie à de perpétuelles querelles internes qui en arrivent parfois aux mains. Il faut bien avouer qu’avoir mêlé les « artistes » aux riches orfèvres n’a pas été la meilleure initiative de la République… Nul ne sait pourquoi elle est tenue exceptionnellement au service militaire, mais ce point allié à sa condition et au fait qu'elle est en charge de l'intendance et de la cuisine lors des expéditions armés expliquent certainement qu’elle possède l’équipement le plus démodé de toute la Rotte.


Bernhard Bindreiff
(Bernard Bindreiff)
Profession : huchier
Zunft : tribu des charrons, huchiers et tourneur mais non documentée, tribu des Charpentiers à partir de 1482.

Bernhard Bindreiff est maître (Handwerkmeister) Kirster, c’est-à-dire Huchier. On ne sait cependant si l’on peut établir un parallèle avec cette profession dans les « métiers » français qui distinguaient les « huchiers », fabricants le petit mobilier usuel et les « charpentiers de petite cognée », véritables menuisiers. Sa Zunft est malheureusement peu connue avant son absorption par celle des charpentiers en 1482. Ce talentueux fabricant de meubles ne prend jamais d’apprenti (Knecht), mais en contre partie auprès de sa Zunft, il participe activement au Scharwaht. Il a aussi monté bon nombre de hampes des hallebardes des membres de la Rotte.


Ouriel Becker
(Ouriel Bakis)
Profession : mercier (marchand)
Zunft : zum Spiegel (tribu du miroir)

Ouriel Becker a fait son apprentissage de marchand auprès de la famille Prechter qui deviendra au XVIème siècle l’une des plus puissantes de Strasbourg. Dans le même temps il suivi l’exemple de son frère Arnold, en se portant volontaire pour le Scharwaht. Devenu un marchand-banquier il s’est vu proposer la direction d’un comptoir de la dynastie Prechter dans une autre ville de l’Empire. Aujourd’hui il n’est donc plus bourgeois de la ville de Strasbourg et à ce titre n’a plus d’obligations militaires envers elle.



Friedrich Linck, dit « Fritz »
(Frédéric Linck Jr.)
Profession : marchand de vin
Zunft : des vignerons

Nota : dans la famille Linck il est de tradition d’appeler l’aîné Friedrich (prénom impérial…) et aujourd’hui il n’y en n’a pas moins de quatre qui se côtoient dont seuls deux sont en âge d’avoir des obligations militaires envers la ville.


Fritz est un vigneron originaire du village de Hunaweier près de Ribeauvillé (Rappolsweiler) en Haute-Alsace. Ayant prospéré il s’est installé à Strasbourg afin de mieux contrôler ses exportations car son Rhineland, le vin blanc d’Alsace, est consommé jusqu’en Flandre, voir plus loin. Ce membre influant de la Zunft des Winlüten s’est distingué à la bataille d’Oeselgem en 1452 (reconstituée en 2001) en attaquant seul et à la hallebarde un groupe de chevaliers bourguignons qui menaçaient son fils. Son affaire de négoce de vin le retient souvent à Strasbourg et il lui est arrivé de se faire remplacer par son fils cadet, Maximilian dit « Max », pour des campagnes hors des murs de la ville.



Friedrich Linck, dit « Fritzlé »
(Frédéric LINCK III)
Profession : forgeron
Zunft : des maréchaux

Fritzlé est un forgeron (Smyder qui donnera l’allemand Schmidt) et à ce titre forge tout objet usuel de la vie courante. C’est aussi lui qui a fabriqué la plupart des hallebardes des miliciens de la Rotte du Scharwaht. N’en faisant pas commerce, il s’est ainsi évité les foudres des armuriers qui en ont le monopole de la fabrication au sein de cette Zunft comportant de multiples spécialités cloisonnées. Ce fils de vigneron patrouille souvent de nuit la ville en compagnie de son père avec le Scharwaht et travaille depuis des années à la réalisation d’une pièce d’artillerie. Cette œuvre le ferait rentrer dans le cercle très fermé des fondeurs et fabricants de canons.


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Hinterweidental 2004


Mederic Linck
(Médéric Letellier)
Profession : fondeur de bougies
Zunft : zur Möhrin (tribu de la Mauresse)

Médéric est fondeur de bougie, profession qui lui confère un statut peu élevé dans sa Zunft tenue par les riches sauniers (marchands de sel), mais qui s’avère fort utile lors de campagnes militaires. Il est le cousin de Fritzlé et donc le neveu de Fritz. Ce discret milicien s’est taillé une solide réputation d’escoute au sein du Scharwaht qui lui vaut d’être régulièrement envoyé en mission de reconnoître. En campagne il aime à faire la cuisine pour la Rotte. Les miliciens savent alors qu’ils vont manger son met préféré à toute les sauces, les lentilles ! Pour mieux prospérer dans son métier peu rentable il s’est installé à Rhinau dans le Ried. De ce fait, il n’est donc plus bourgeois de la ville de Strasbourg et à ce titre n’a plus d’obligations militaires envers elle.


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Hinterweidental 2004


Philippe de Clercq
(Philippe)
Profession : étudiant en théologie
Zunft : curie noble zum Mühlstein (la Meule).

Comme son nom l’indique, Philippe est un Welsche (étranger à l’Empire, de langue non-germanique). Nul ne sait pourquoi ce cadet d’une famille de petite noblesse française a été envoyé (exilé ?) à Strasbourg pour y étudier, officiellement, la théologie. D’autant que Strasbourg ne deviendra célèbre pour ses universités qu’une fois la Réforme passée. Grâce aux appuis de ses parents il est entré dans la curie noble de la famille des Mühlnheim. On dit d’ailleurs qu’il n’y boit pas que de l’eau... Ce drôle de pèlerin fréquente plus les Fechtmeistern (maîtres d’escrime) que les docteurs en théologie. Quoique noble, il n’a jamais eu les moyens de servir la ville à cheval. C’est pourquoi il s’est porté volontaire pour le Scharwaht pour s’acquitter de ses devoirs de citoyen jusqu’à ce qu’il quitte la ville pour rejoindre une caravane de marchands en partance pour l’orient lointain.
Aujourd’hui Philippe vit et travaille au Japon.

Sophie Gaulain
(Sophie Gaulain)
Profession : aubergiste
Zunft : des Fribourgeois (tribu des Fribourgeois)

Sophie, l’épouse de Sieckart, est une Welsche. Avec son mari ils ont quitté les Ardennes pour Strasbourg de façon assez naturelle, de nombreux nobles du St Empire Romain germanique y ayant encore des possessions. Elle tient une petite taverne dans le quartier de l’église St Thomas, fréquentée essentiellement pas les chanoines du chapitre. Ce paisible commerce a été payé par l’héritage de ses parents. Comme Strasbourg n’a pas une loi différente de la coutume majoritaire dans l’occident médiéval, elle est sa propre patronne et son mari n’a aucun droit sur ce patrimoine. Mais en tant que femme elle n’a pas accès au poêle de sa Zunft. Elle porte la livrée de la ville car elle a accompagné plusieurs fois la milice lors de campagnes militaires en qualité de cuisinière vu son métier. A Anvers en 1477 (reconstitution de la Quaye Werelt en 2002) elle a cependant participé aux combat avec son arc, arme pourtant réservée aux loisirs en général dans le St Empire avant le début du XVIème siècle.
Elle a suivi son mari lorsqu'il a quitté la ville de Strasbourg et à ce titre, n'est plus bourgeoise de la ville.


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Hinterweidental 2004

Sicard Gaulain, dit « Sieckart » ou « Houmpa »
(Pascal Gaulain)
Profession : barbier-chirurgien
Zunft : zu der Lüzerner (tribu de la lanterne)

Sicard, le mari de Sophie, est lui aussi un Welsche. Personne n’arrivant à prononcer le nom de ce barbier-chirurgien, on l’appelle Sieckart. Il est membre de la Zunft de la lanterne, tenue par les riches marchands de grains (céréales) mais au sein de laquelle les barbiers-chirurgiens sont assez influents. Il soutient qu’il a rejoint le Scharwaht afin de faire lui-même des blessures qu’il pourra soigner par la suite ! Professionnellement, il reste viscéralement attaché à l’école des « modernes » comme Henry de Mondeville et s’oppose verbalement souvent aux tenants des « anciens ». Il raille parfois ses collègues comme Hans Gerssdorf ou Hieronimus Brunswick. Peu rancunier, Hans Gerssdorf le Stadtscherrer fait souvent appel à lui après des combats impliquant la milice. Sieckart troque alors sa hallebarde pour le scalpel.
Houmpa a décidé un jour de s'en retourner dans son pays natal. Il n’est donc plus bourgeois de la ville de Strasbourg et à ce titre n’a plus d’obligations militaires envers elle.


Photographie:
Les Guerriers d'Avalon
Sully 2011

Sebastian Birgaentzle
(Sébastien Birgaentzlé)
Profession : maçon
Zunft : des maçons

Sebastian Birgaentzle est depuis peu Geselle Murer (compagnon maçon), à ne pas confondre avec les Steinmetzen (tailleurs de pierre) qui partagent la même Zunft. Son goût prononcé pour les armes et leur maniement l'a fait se porter volontaire un soir pour le Scharwah... et sa solide stature l'a fait y rester ! En campagne, lors d'un combat mineur contre des artilliers bourguignons, sa Rotte fut la cible d'un engin diabolique. Un artillier leur jeta un tonneau de poudre enflammé. Tous battirent en retraite et Sebastian tomba alors à reculons dans une charrette qui servait à charrier des blessés. Le tonneau n'explosa pas, au contraire de la charrette et il fut surnommé à cette occasion "le hallebardier à la charrette"... preuve que nos miliciens ont des lettre !


Photographie:
Les Guerriers d'Avalon
Bitche 2011

Bruno Conforto
(Bruno Conforto)
Profession : mercenaire
Zunft : des Fribourgeois

Bruno Conforto est un mercenaire originaire de Milan que les strasbourgeois appellent Meigelon. C’est là qu’il apprit, via un comptoir commercial de Strasbourg, que la ville cherchait des soldats. Sa première campagne achevée, il eût (comme c’est très rarement le cas) l’opportunité de se faire engager par le Magistrat de la ville dont il est même devenu citoyen. Cet habile bretteur et combattant acharné rempli plusieurs offices pour la ville : soldat, gardien de la prison, garde du corps de l’Ameister lors de ses déplacements et bien sûr patrouilleur du Scharwach. Sa profession n’est alors pas répertoriée par les règlements strasbourgeois sur les métiers. Lorsqu’il est devenu bourgeois il a choisi la Zunft des Fribourgeois. Il y a été accueilli volontiers car cela leur permet de s’acquitter d’obligations militaires sans envoyer un artisan des métiers de bouche loin de son foyer. Il se dit que le goût qu’à Bruno pour les mets délicats n’est pas étranger à son choix…

C'est avec son acharnement habituel que Bruno a livré son dernier combat. Mais cela n'a pas suffit et il nous a quitté, dans la dignité, un triste jour de mars 2014. Le vide en nous s'est agrandit


Photographie:
Les Guerriers d'Avalon
Marle 2010

Diebold Rami
(Thierry Rami)
Profession : cuisinier
Zunft : des Fribourgeois

Diebold a un parcours pour le moins surprenant puisque ce bourgeois de Strasbourg est né… à Dijon ! Son père, mercenaire piémontais (et donc sujet du St Empire Romain Germanique au début du siècle) a servi longtemps le Duc Philippe le Bon jusque dans les années 1440. Puis il s’installa avec son épouse comtoise et Diebold à Strasbourg. Ce dernier est Geselle (compagnon) cuisinier et a travaillé dans plusieurs tavernes de la ville et même un moment pour le chapître cathédral. Il s’en est vite éloigné, tant ses idées religieuses sont en avance sur son temps et annoncent déjà les prémisses de la Réforme qui sera très forte à Strasbourg. Travaillant surtout le soir, il rejoint souvent la patrouille du Scharwach dès les derniers plats préparés. En dehors de sa hallebarde, il a une prédilection pour les armes à feu dont il apprécie autant la fumée que celle de ses chaudrons !

Le maître artilleur


Photographie:
Les Guerriers d'Avalon
Sully 2002

Jehan Michel Dupent
(Jean-Michel Dupent)
Profession : maître-artilleur
Zunft : des maréchaux

Jehan Michel est un Welsche et un maître-artilleur de renom originaire du comté de Salm en Lorraine. La République de Strasbourg l’a embauché en cette qualité à grands frais. Il préfigure déjà le recours massif au mercenariat qui se développera réellement à partir du XVIème siècle. Comme son métier n’est pas répertorié, il s’est inscrit à la Zunft des maréchaux où l’on trouve les fondeurs de canons. Il conserve jalousement le secret de sa préparation de poudre noire qui est réputée être la meilleure de toute la ville et est en fait son fonds de commerce. Ce rude gaillard a du mal à se faire à la vie citadine et il n’apprécie rien plus que les campagnes militaires qui l’amènent à vivre sous tente en pleine nature. Il peut alors se livrer à son loisir favori (en dehors de s’essayer à faire sauter la planète…), la chasse à l’arc. C’est lui qui a formé les membres du Scharwaht au service d’un canon.